Point de vue allemand Point de vue français

L’Empereur du Saint Empire Romain Germanique, Maximilien Ier


Bernhard Strigel (d'après), L'empereur Maximilien Ier de Habsbourg, vers 1485-1515, huile sur bois, 28 x 38 cm., Paris, Musée du Louvre.

Après sa venue à Valenciennes en 1908, le colonel von Kretschmar, spécialiste de l’art héraldique, publie une analyse poussée de la tapisserie de Valenciennes. Le texte est traduit en français en 1923, comme « document pour servir à l’histoire de l’occupation de Valenciennes de 1914 à 1918 ». Si pour lui, il ne fait aucun doute que l’Empereur Maximilien figure sur la tapisserie, il montre pourtant les limites de son hypothèse.

« […] notre attention est d’abord attirée par le personnage qui se tient à côté de Philippe de l’autre côté de la colonne […], ce ne peut être là que l’Empereur Maximilien ou le prince électeur Frédéric. […] Si c’est là le portrait de Maximilien nous devrions voir, dans le bijou qu’il porte, l’Ordre de la Toison d’Or, […] Mais ce bijou n’est pas celui de la Toison d’Or. […] Peut-être ce bijou était-il un cadeau particulièrement précieux que Maximilien avait reçu de sa jeune épouse, qu’il portait en l’honneur d’elle […] »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 33.

Dans un second temps, il identifie le prince électeur Frédéric III de Saxe, avant de se raviser en faveur de Maximilien. 

« Mais si, à cause de l’absence de l’ordre de la Toison d’Or, on ne veut plus voir dans ce portrait celui de Maximilien, mais celui du prince électeur Frédéric, il y a également ici une contradiction avec les portraits connus du prince électeur, sur lesquels il est toujours représenté avec toute sa barbe. […] ce qu’il y a de plus vraisemblable, c’est que nous avons devant nous Maximilien, comme le plus grand des personnages présents, et que le prince électeur Frédéric, […] n’a pas voulu y figurer, ou que nous devons alors le chercher parmi les cavaliers du tournoi. »
Colonel von Kretschmar, 1910, trad. in Jules Thiroux, [1923], p. 33-34.

Charles VIII, roi de France


Jean Perréal,  Portait d'homme (Portrait présumé de Charles VIII), 1490-1495, tempera sur bois,  inséré dans la couverture d'un livre d'heures fragmentaire, 23 x 14,5 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France

Alors que von Kretschmar identifie ce personnage à l’empereur Maximilien Ier, Maurice Hénault lui trouve une ressemblance avec le portrait de Charles VIII, aujourd’hui attribué à Jean Perréal.

« […] appuyé contre le pilier décoré qui sépare en deux la loge, se trouve un homme dont la figure, comme les vêtements, sont des plus caractéristiques. Sur de longs cheveux retombant jusqu’aux épaules, est posée une sorte de toque rouge dont les côtés peuvent se rabattre et sont noués sur le devant par un ruban. […] Ce personnage porte au cou le collier de l’ordre de Saint-Michel. Sur ses épaules retombe un riche manteau aux larges revers d’hermine. […] on lui trouve deux portraits bien connus, dont il procède du reste une profonde ressemblance. Je veux parler du Charles VIII de Montfaucon […], et de la miniature de la Bibliothèque nationale, exécutée vers 1498. »
Maurice Hénault, 1910,  p. 152.

Après-guerre, en 1931, l’édition du catalogue du musée de Valenciennes est l’occasion pour Adolphe Lefrancq conservateur du musée de Valenciennes de 1922 à 1943 de raviver la querelle qui eut lieu juste avant la guerre. Adoptant le point de vue de Maurice Hénault, Lefrancq s’élève contre les arguments d’historiens de l’art allemands qui avaient servi au roi de Saxe à justifier l’enlèvement de la tapisserie en octobre 1914 :

« […] Où l’Allemand s’est entêté à vouloir reconnaître les effigies de son ancien empereur Maximilien Ier et de la femme de ce prince, nous reconnaissons sans la moindre hésitation celui qui lui renvoya sa fille [Marguerite d’Autriche] et lui souffla sa fiancée, le romanesque roi de France Charles VIII, accompagné de son épouse Anne de Bretagne, prise par von Kretschmar pour Blanche Sforza. »
Adolphe Lefrancq, 1931, p. 208.

Le conservateur réfute la présence de l’Empereur Maximilien, en invoquant un argument qui est une interprétation à la fois romantique et somme toute patriotique 

« Maximilien ne figure pas sur l’estrade : on comprend qu’il n’ait pas voulu se voir représenté dans cette manifestation auprès de son rival et de son ex-fiancée [Anne de Bretagne]. »
Adolphe Lefrancq, 1931, p. 210.