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L'initiative des inventaires revient à Marie-Charlotte Laroche du musée de l'Homme et Anne Lavondes de l'ORSTOM dès les années 1940. Ces inventaires s'appliquaient alors soit à des collections précises soit à des musées particuliers.

Plus récemment l'Agence de développement de la culture kanak (ADCK) à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, a pris le relais en engageant une politique de récollement des collections kanak dispersées dans les musées européens.

En 1993, L'Inspection générale des musées de France systématise ces opérations et décide de lancer une vaste opération visant l'ensemble des musées existant dans une région déterminée en faisant appel à l'équipe scientifique du musée des Arts d'Afrique et d'Océanie de Paris. Elle engage en cette action la région Nord-pas-de Calais qui pratique prioritairement, par le biais de l'association des conservateurs, l'inventaire systématique de ses collections régionales et qui se trouve totalement ouverte et intéressée par l'opération.

C'est ainsi qu'en 1993 Roger Boulay, du MNAAO, commence officiellement l'inventaire des collections du Château-musée de Boulogne-sur-Mer, et c'est là que l'aventure commence en s'immergeant dans deux siècles d'histoire riches en évènements...

Dire que la région Nord-Pas de Calais, comprenant pour les collections océaniennes les musées de Boulogne-sur-Mer, Dunkerque, Lille et Saint-Omer est particulièrement riche fait presque figure d'euphémisme. Car il s'agit en effet, et très vraisemblablement, d'une des réunions d'objets les plus importantes de France, quantitativement - plus de deux mille objets - , et des plus passionnantes, tant au niveau de la qualité esthétique des objets qu'à leur "vécu" historique.

Leurs échos évocateurs et magiques nous plongent dans la mémoire des intrépides navigateurs français comme Bruni d'Entrecasteaux -première collection océanienne rapportée à la fin du 18ème siècle-, de Dumont d'Urville, Rosamel et bien d'autres encore dans l'atmosphère feutrée des cabinets de curiosités des amateurs éclairés, comme Isidore Leroy de Barde et Alphonse Moillet... ou enfin dans une vision plus contemporaine de la collecte océanienne avec les personnalités des premiers explorateurs comme Alphonse Pinart et Maurice Maindron et la figure dominante d'Ernest Théodore Hamy, fondateur et premier directeur du musée d'ethnographie de Paris.

Ce parcours à travers les siècles a pu se réaliser grâce à l'extrême diversité des collections du Nord-Pas de Calais qui offrent ainsi au visiteur un panorama de l'histoire de la collecte et permettent de donner à l'exposition cette atmosphère particulière qui traduit en réalité la vision du regard européen sur les sociétés océaniennes. En effet, les collectes d'objets répondaient à des demandes historiquement précises et ainsi nous éclairent sur la démarche intellectuelle et scientifique des curieux et des savants de la fin du 18ème au début du 20ème siècle.

Pourquoi les collections du Nord-Pas de Calais sont-elles si passionnantes ? On a déjà évoqué la figure omniprésente des navigateurs français. Mais là où l'originalité se fait la plus grande c'est par la proximité avec l'Angleterre et le commerce qu'entretiennent les collectionneurs français et anglais et qui aboutit à la présence d'objets précieux rapportés par le célèbre navigateur anglais, James Cook - seule collection connue et présente aujourd'hui dans les musées français - qui conduisit trois explorations dans le Pacifique à la fin du 18ème siècle...

C'est une des raisons pour lesquelles on se trouve face à des pièces polynésiennes extrêmement rares, comme celles provenant des îles Cook, Australes, Société, ou bien encore Hawaii.

Mais les collections mélanésiennes ne sont pour autant négligées et, encore une fois, on s'étonne de la présence insolite d'objets de la Papouasie-Nouvelle-Guinée essentiellement représentée par les îles de la Nouvelle-Bretagne et de la Nouvelle-Irlande, qui ont été des archipels sous tutelle germanique. Cette fois il ne s'agit plus de navigateurs mais de commerçants comme Charles Phalempin, banquier de son état et installé un temps en Australie, et qui délaisse parfois son activité professionnelle au profit d'une incursion furtive dans le monde mélanésien pour en rapporter une foisonnante collection d'objets.

Ainsi les collections océaniennes du Nord-Pas de Calais nous immergent dans deux siècles d'histoire captivante propre à la région. Grâce à elles, nous découvrons l'histoire de la mentalité française porteuse de tant de mythes, dont le plus immortel demeure encore aujourd'hui celui de Bougainville et de sa découverte du paradis tahitien, et jusqu'aux artistes plus récents comme Matisse qui plongèrent eux aussi dans un monde nostalgique et perdu, le Pacifique, immense et lointain océan parsemé d'îles.

Sylviane Jacquemin.

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