Protésilas

Le portrait imaginaire de Protésilas, premier des princes grecs mort devant Troie, appartient à une série de trente quatre plaques à l'origine, dont six sont conservées au musée de Compiègne avec Briseis, la compagne d'Achille, Thésée, le roi d'Athènes, Ariane, qui l'aida à tuer le Minotaure, Hercule, le héros aux douze travaux, et Médée, qui permit à Jason de ravir la Toison d'or. Onze autres pièces subsistent et sont conservées dans les musées d'Ecouen (Déjanire et Pâris), de Blois (Oreste et Jason), du Puy (Hippolyte et Phèdre) de Baltimore (Enée et Didon) et dans des collections privées (Achille, Léandre, Ulysse). Les différentes figures sont inspirées des Héroïdes, livre du poète latin Ovide, qui au Iersiècle av. J.-C. avait imaginé vingt et une lettres d'amour d'héroïnes mythologiques à leurs célèbres amants. Ce livre fut traduit en français par Octavien de Saint-Gelais, évêque d'Angoulême, en 1496. Cette série serait l'œuvre du plus fameux maître émailleur du XVIe siècle, Léonard Limosin (Limoges, vers 1505 – vers 1577). De ses débuts, on connaît peu de choses ; ses premières oeuvres datées indiquent 1533. Il entre au service de François Ier grâce à l'évêque de Limoges, Jean de Langeac, l'un des principaux personnages de la Cour. Il fut valet de chambre du roi Henri II et reçut même le titre de peintre du Roy et ses descendants se prévalurent longtemps de celui d'émailleur du Roy.

Comme les principaux artistes de ce temps, Limosin ne se contenta pas d'être émailleur mais fut un artiste complet : peintre et graveur. Toutefois, l'émail domine une grande production dont subsisteraient près de 200 pièces.
Les sujets de religion restent abondants. Pour autant, l'artiste ne néglige pas l'Antiquité, source inépuisable d'inspiration pour les artistes de la Renaissance. Les empereurs romains, les dieux et les héros de la mythologie se partagent le domaine de l'émaillerie de cette époque. La peinture d'émail consiste à superposer des couches d'émail coloré (matière vitreuse translucide colorée par des oxydes métalliques). Les décors de rehauts blancs sur émail translucide sont caractéristiques de Léonard Limosin.
Tous les personnages sont vus en buste de face, le visage de même ou de trois quart, sur fond bleu. Les noms ne correspondent pas à des physionomies précises, les vêtements et les coiffures sont soit antiques, soit contemporains, sans souci de vraisemblance historique.

Protésilas se présente le visage de trois quart ; il est casqué et en armure, tenant son bouclier dont l' épisème figure un homme nu (esclave ?) déposant une oenochoé sur un socle. Dans le poème d'Ovide, sa jeune épouse Laodamie se lamente du départ de son mari pour rejoindre l'armée grecque au siège de Troie. Alors qu'un oracle promettait la mort du premier guerrier grec qui descendrait sur le rivage ennemi, il se dévoua, mit un pied à terre et fut tué par Hector. Inconsolable, Laodamie le suivra dans la mort.
Ces portraits devaient orner les murs d'une noble demeure, enchâssés dans les boiseries d'une pièce aux dimensions adaptées : un cabinet ou studiolo à la mode italienne, destiné à abriter des livres ou des collections d'objets d'art, comme celui que Catherine de Médicis possédait dans son hôtel parisien.

Christine Amiard
Chargée du service des publics

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